Voilà bientôt 20 jours que je suis au
Mali (déjà!!!) et si je n'ai sillonné jusqu'à présent qu'une
infime partie du territoire malien (l'extrême Ouest, entre, au Nord,
Kayes et, au Sud, Kita) plusieurs aventures et mésaventures (en
réalité qu'une seule pour cette dernière, ouf!) sont venues
bousculer mon quotidien de brousse !
Ma mère m'a demandé pourquoi j'étais,
depuis Kédougou (au Sud-Est du Sénégal), remonté jusqu'à Kayes
au Mali (Nord-Ouest) pour redescendre à nouveau au Sud vers Bamako
(d'où je vous écris présentement!) ?! La réponse tient à
peu de chose, et pourrait se résumer à : « l'instinct » !
Ben voyons, que de grands mots !!! :p Non, sans blague, en fait, comme
depuis le
début du voyage, le profil du trajet suivi se dessine en fonction
des régions d'intérêt de chaque pays (définies en défrichant les
pages des guides routard lonely ou futé) avec une préférence pour les
endroits hors des
sentiers battus, vierges de touristes et où la nature a encore tous
ses droits. Ajoutez à cela quelques curiosités culturelles, et vous
comprendrez pourquoi depuis Kayes, je suis descendu vers Médine dans
un premier temps, admirer son fort de l'époque coloniale puis ai
continué ma route jusqu'aux chutes de Gouina dans un second temps.
Ces chutes sont, dit-on, les plus belles de l'Afrique de l'Ouest, et
il est vrai qu'elles ont un certain charme ! Surtout qu'avec le
projet de construction du barrage en amont des chutes, il faut
s'attendre à ce qu'elles disparaissent d'ici peu. La production
d'énergie au dépend de la sauvegarde de la nature est la
philosophie actuelle du gouvernement... :( Anecdote à ce propos :
le barrage est réalisé par une entreprise chinoise qui emploie de
la main d'oeuvre locale. Il est amusant de constater que le midi, les
maliens mangent dans un même plat leur riz en sauce avec les mains
alors que les chinois avalent de leurs côtés leurs pâtes avec des
baguettes ! Sont pas fous ces chinois, pour rien au monde ils
mangeraient la brisure de riz qu'ils exportent de chez eux vers
l'Afrique et qui n'a aucune valeur nutritive alors que le bon riz
cultivé en Afrique est exporté... en Chine ! En plus d'une confrontation
de cultures sans qu'il n'y ait pour
autant, de la part des chinois, un réel effort d'intégration, il y a
dans les échanges commerciaux, beaucoup d'absurdité ! Et en lisant
l'hebdomadaire Jeune-Afrique (encore faut-il le trouver... car la
distribution de la presse est exclusive aux grandes villes) ou en
écoutant RFI, on s'aperçoit ce genre de dérives qui gangrènent le
continent Africain sont légions :( Mais revenons en à nos chèvres
maliennes !
Avant d'arriver aux dites chutes, la
route suivie longe le fleuve Sénégal (qui prend sa source en
Guinée, traverse l'Ouest malien avant de se déverser dans
l'Atlantique à Saint Louis après un parcours de 1700km ! Ça c'est du
fleuve, elle peut aller se rhabiller la Garonne!)
traverse un plateau montagneux où ici et là se détachent quelques
collines plus ou moins hautes qui donnent enfin un peu de relief au
paysage. La contemplation de ces monts a certainement titillé mon
côté montagnard et j'ai craqué ! Sortant de la route, je suis
allé dans un village déposé mon vélo, et ai expliqué que je
voulais monter sur la colline qui surplombait les cases villageoises
pour admirer la vue sur toute la plaine. Je crois bien que l'intérêt
d'une telle « entreprise » échappait aux villageois mais
par politesse ils n'ont pas osé m'arrêter dans mon élan !
(Je me suis entendu dire par un malien que pour lui, les voyages au long
cours des toubabs étaient complètement inutiles, car dans la mentalité
africaine, si tu voyages, c'est pour chercher à trouver une activité qui
te permette de t'enrichir et pas pour dépenser tes économies en te
baladant dans la brousse !!! Et vlan ! Mais revenons-en à notre
colinette !)
Malheureusement la montagne (qui en l'espace de quelques
mots vient de prendre de l'ampleur!) se situait de l'autre côté du
fleuve.
Grâce à une pirogue villageoise j'ai pu réaliser la traversée et
aller entre herbes hautes et rochers de grès crapahuter à ma
guise ! Après avoir assouvi ma soif de « hauteurs »
je suis redescendu et me suis retrouvé au bord du fleuve, sans qu'il
n'y ait cette fois-ci de pirogue pour traverser ! Qu'à cela ne
tienne, je l'ai joué Man VS Wild ! J'ai vidé ma poche à eau,
y est mis mon appareil photo et mon bouquin, ai rangé dans mon sac
le reste de mes affaires, haussé le sac sur mes épaules et me suis
jeté à l'eau sous l'oeil incrédule de pécheurs qui passaient
par là ! Alternant brasse et crawl j'ai rejoint l'autre rive,
exténué par cette traversée que j'imaginais plus courte ! Il
ne devait pourtant y avoir que 300m ! (J'ai eu une pensée pour
Thomas et Antoine, triathlètes capables de parcourir plusieurs km en
eaux vives sans se noyer!) Il m'a alors fallu faire sécher toutes
mes affaires qui n'étaient pas dans la poche à eau et qui, bien
entendu, avaient pris l'eau ! :-) Ce qui, à nouveau, a bien
fait rire la famille chez qui j'avais déposé mon vélo !Y'a le toubab et
le toubab ! :p
Il y a un semblant de campement à
proximité des chutes de Gouina qui s'apparente plus à un squat qu'à
un centre social (tel qu'il est appelé) ! Les maliens qui
l'occupent n'ont pas vraiment ce que l'on appelle le soucis de
l'hygiène, et comme souvent lorsqu'il n'y a pas de femme dans le
groupe, aucun effort n'est fait dans ce sens. Comme il n'y a pas non
plus de puits ni de forage dans les environs, l'eau bue est celle
puisée à même le fleuve. Croyant être, après 4 mois en Afrique,
rodé aux eaux plus ou moins pures bues sur la route je n'ai pas fait
attention à ce que je buvais. Grave erreur car le soir même, alors
que j'avais quitté les chutes et m'étais arrêté dans un village,
en bordure de la voie ferrée reliant Kayes à Bamako, pour la nuit, ca a été ma chute ! Rire jaune :
j'ai été terrassé par une diarrhée aiguë ! Vous allez me
dire que je l'ai un peu cherché, et vous n'avez peut-être pas si
tort : j'ai joué au plus fort, et j'ai perdu ! C'est donc
la première fois du voyage où je me suis senti si faible, à ne pas
pouvoir me lever sans vomir l'eau traitée que je tentais de boire
pour me réhydrater. Impossible de manger et mes seuls déplacements
consistaient à aller au trou pour littéralement me vider !
Même si j'étais bien entouré par la famille qui m'hébergeait et
qui me pressait d'aller à l'hôpital en prenant le train qui
passait, au petit bonheur la chance, par la voie ferrée, je me suis
senti bien seul. C'est dans ses moments là que l'on souhaiterait
être à la maison, entouré de la famille à partager un bon plat, à
rigoler avec les amis, ou à profiter de sorties en plein air dans
les alpes azuréennes ! Mais tout ça était bien loin et la
seule chose que j'avais à faire était de me soigner avec du
Tyorphanor et à me reposer ! Manque de bol, il faisait alors
une chaleur suffocante, la température, à l'ombre, dépassant les
45°C dès 10h du matin et ne redescendant sous les 40°C qu'après
minuit ! :( Le « jeu » consistait alors à déplacer
la paillasse en bambou sur laquelle j'étais allongé pour trouver un
coin un peu plus « frais » à l'ombre ! Le corps
humain est cependant bien fait, et après 48h et deux bonnes nuits de
sommeil j'ai pu reprendre le vélo pour rejoindre 30km plus loin
Bafoulabé, un village un peu plus gros possédant une boutique où
je pouvais trouver de l'eau en bouteille et finir de reprendre des
forces dans une chambre ventilée ! :-)
Puis je suis parti en direction de la
réserve naturelle du Bafing qui doit son nom au fleuve le Bafing qui
n'est autre que l'un des deux confluents du fleuve Sénégal. (Je vous refais pas toute l'histoire !!!) Donc depuis
le barrage de Manantali je suis parti m'enfoncer dans la brousse malienne
! Par le hasard des rencontres, j'ai pu faire une petite virée dans les
pas d'un chasseur malien. L'idée initiale était l'observation de
chimpanzés que l'on trouve, selon les dires plus ou moins alcoolisés
d'autres chasseurs, "en pagaille" dans la région ! Donc, un matin j'ai
suivi Amadou, jeune chasseur malinké pour essayer de débusquer la
fameuse bête ! Lui était vêtu d'un pantalon en pied de poule très
classe, de lambeaux d'un polo à manches courtes, d'un pseudo béret en
gros coton (bein oui, faut se protéger du froid ! :p ) et de sandales en
plastiques comme celles que l'on porte pour marcher sur les oursins
dans les criques corses et qui sont ici ce qu'est la semelle vibram de
nos contrées alpines : de véritables roll royces avec lesquelles ils
sont capables de parcourir des kms et des kms en brousse ! En plus de sa
tenue vestimentaire de choc, il portait un bidon d'huile de moteur
transformé en bidon d'eau (qui avait la particularité de fuir), son
fusil à un coup, et une cartouchière avec quelques cartouches de plombs,
deux briquets et un couteau ! Comme je savais pas pour combien de jours
on partait, j'avais mon gros sac à dos, plusieurs litres d'eau, ma
pompe à filtre, un bouquin, mon hamac, etc... Disons que comparé à lui
j'étais pas vraiment en mode MUL comme c'est la tendance en France :
Marche Ultra Légère ou comment aller gravir le mont blanc avec sa bite
et son couteau pour seul attirail ! :-)
Amadou marchait avec un bon rythme, je suivais derrière, et une fois que l'on s'est aperçu que le point d'eau où étaient sensés être tous les chimpanzés était vide et inhabité, on est allé retrouver ses potes au fin fond de la brousse dans un "squat" (encore un, mais cette fois les constructions en dur de Gouina étaient remplacées par une pseudo misérable case ronde en paille - bambou) : c'était pas du tout le plan initial, mais je me suis fait un peu berné par ce pseudo chasseur (qui m'avait pourtant été recommandé par plusieurs personnes dont le chef du village de Koundian, le responsable de la sécurité des forêts du coin, etc...) et qui s'est surtout avéré être un buveur de jus de palmier de rônier : cet alcool sort déjà fermenté du-dit palmier et certains chasseurs installent des échelles en bambous à même les troncs pour aller à plusieurs mètres de hauteur récolté le fameux breuvage ! Et si le taux d'alcool est faible et que l'on a tendance à le boire comme du petit lait, à forte consommation ca rend ivre ! Qui a dit que tous les chasseurs étaient des pochtrons ?!!! :p Néanmoins le lendemain, on a réussi accompagné d'un pote à Amadou, toujours avec le vague espoir (que j'avais un peu perdu) de voir des chimpanzés, à tuer deux pintades sauvages ! Et là, j'avoue que j'ai été vraiment impressionné quand je me suis aperçu que le pantalon en pied de poule d'Amadou était assorti à leur plumage ! Qui a dit que les chasseurs maliens n'étaient pas coqués ?!!! :p En tout cas, la première pintade a été plumée sur le champ, cuite sur un feu de brousse dans l'instant et dégustée avec bonheur ! C'est carrément bon ! La seconde fumée le soir même a remplacé les barres de céréales lors du retour au village le lendemain. Mais avant ça, un phacochère a eu le malheur de croiser notre route ! Branle bas le combat, tout le monde se fige, et voilà Amadou qui d'instinct part chasser le bestiau ! 2 coups de fusil plus tard, il vient nous retrouver là où il avait laissé son bidon pour optimiser sa poursuite agile et nous dire qu'il avait tué le phaco ! Bein voyons, en fait, il l'avait au mieux touché, peut-être à peine blessé mais surtout l'animal s'était fait la malle ! Et c'est là que la vraie chasse a commencé, celle consistant à partir de deux brindilles cassées et d'à peine perceptibles traces de sang, à retrouver le phaco qui se serait effondré, mort, un peu plus loin ! Mais à trop boire de jus de rônier on rentre bredouille ! :D Comme Amadou ne voulait pas admettre sa défaite, on a fait demi tour vers le squat (1h20 de marche) pour aller chercher tous ses potes et entamer à 7 de vaines recherches ! Pourtant le marabout du groupe, après avoir consulté et interprété les signes qu'il avait lui même tracé au sol, nous avait assuré que le phaco était bien mort et qu'on le retrouverait ! Si je pense que la magie et les mystères africains ne sont pas toujours à prendre à la légère, cette fois ci les prédictions ne se sont pas révélées exactes ! En tout cas l'expérience était très amusante et enrichissante. Finalement, de ces 3 jours en brousse, le plus dur pour moi a été de gérer le fait qu'il n'y avait pas d'eau potable dans les environs. Eux buvaient une vieille eau croupie datant de la dernière saison des pluies sans y appliquer aucun traitement alors que mon filtre à eau était incapable de la purifier sans se boucher après avoir pomper 50ml ! Leur estomac doit vraiment pas être fait comme le mien ! Et du coup, comme ils cuisinaient aussi avec cette même eau que j'aurai pas touché avec un baton, bein ca a été un peu disette ! :( Faut dire, la leçon des chutes de Gouina m'avait un peu marqué ! :-)
Après
cette expérience dans la brousse dans les pas d'un véritable chasseur
traditionnel malien un peu bredouille, un peu alcoolique, j'ai continué
ma route par des sentiers vers le sud de la réserve. Je sais pas comment
j'ai réussi à toujours rejoindre les villages que l'on m'avait indiqué
alors que les sentiers bifurquaient dans tous les sens et que je les
prenais au petit bonheur la chance ! La faune est à priori très présente dans le coin (paraitrait même qu'il y a des lions et des panthères) mais je n'ai croisé que des rongeurs ou des singes. D'un autre côté, à vélo, sur le sentier, si t'arrêtes de regarder devant toi, t'es sur de finir dans un arbre donc ca complique un peu les choses. J'aurai pu aussi encore m'arrêter pour me balader à pied mais il fallait que je commence à me diriger vers Bamako avant que mon visa n'expire et que j'ai la possibilité de le prolonger. J'ai cependant réitéré quelques escapades sur
des falaises pour contempler le lac de Manantali et découvrir les bozos
qui habitent les bords du lac où ils pêchent et vivent en totale
autarcie. Finalement, après 15 jours dans la brousse, j'ai retrouvé une
route goudronnée, celle qui m'a menée jusqu'à Bamako ! Et la première
chose que j'ai faite a été d'acheter du pain pour me faire un monstre
gouter de tartines de Nutella (les plaisirs simple d'une vie
heureuse!!!), et d'aller me cacher tout seul dans la brousse pour me
préparer le soir un vrai plat de pâtes - sauce tomate - sardines, car
j'étais arrivé à saturation de manger matin midi et soir du riz !!!
Me
voilà donc à Bamako, chez Nicolas un couchsurfeur bien sympathique qui
m’héberge chez lui et ses colocs maliens le temps que je gère mes visas
pour la suite du périple (on m'a refusé le visa du Ghana, pays par
lequel je ne pourrai donc pas passer) et que je tente de trouver un
moyen d'obtenir les pièces de rechange de ma transmission du vélo qui
tombe en déconfiture : la chaine et les deux hauts plateaux sont hs et
j'ai fait les 200 derniers kms de route sur le petit plateau, petit
pignon, obligé de mouliner comme un imbécile pour maintenir une
misérable vitesse de 18km/h sur du plat !!! Et c'est pas gagné, car le
marché de Bamako c'est peut-être la caverne d'Ali Baba, mais version
made in China, donc rien de compatible avec mon bike !!! Ouch... :(
Voili
voilou pour les nouvelles ! Alors comme plusieurs personnes m'ont
demandé un peu de livrer aussi par écrit mes ressentis, émotions, états
d'âmes et j'en passe après ses 4 premiers mois de voyage, je vais tenter
dans un prochain article de répondre à leurs attentes ! :D Va falloir
que je me mette à nouveau à nu, mais cette fois-ci une photo ne devrait
pas suffire ! ;-)
Oliv
J'ai bien ri en lisant ton article! Et Gouina ça devait vraiment pas être la fête. Ou ptet plus proche d'un lendemain de fête où on ouvre le Diplomatico après 4h00 du mat'... mais en pire.
RépondreSupprimerPS: tu penseras à trinquer un coup parce que Cedric B. est papa d'une petite Alice. Je viens de réaliser que tu n’étais ptet pas encore au jus (de ronier)...
c'est ca !
Supprimerd'ailleurs ca fait bien longtemps que ma fiole de Diplomatico est vide et que j'ai perdu le bon gout de cet elixir de ma bouche ! Va falloir que je m'organise pour en faire de l'import export ici !
+1 pour la blague du jus !
Mais si il est au courant!
RépondreSupprimerPar contre si j'avais su tout ça on l'aurait ptetre appeler Gouina la petite! En hommage... ;-)
j''attends toujours la photo !
Supprimereh Oliv !!! ben alors, Gouina ne t'a pas trop réussi à ce que l'on voit ??? t'as vu le grand Abdullai là bas ? ne te plains pas trop, t'aurais pu te trouver nez à nez avec un hippo sur le fleuve, comme le gars qui nous avait conseillé l'endroit (je ne sais plus si on t'a déjà raconté l'anecdote...)
RépondreSupprimerben pour nous, c'est le retour, snif snif, une semaine qu'on est en france...mais on ne rêve que d'un truc : repartir !! la bise des roulmaloute
Salut Olivier! Je viens de recevoir ta carte du Mali qui m'a fait très plaisir. Haute en couleur. Je suis tes aventures et Alex au boulot et Pierrot me donne des compléments. Très sympa tes billets de blog, j'adore. Je croise les doigts pour tes pièces de vélo! Ici la transV c'est bien passée. Avec le stump 29" 149eme ;) mais loin encore de Phil qui a battu son record. Un avion. 75eme. Mais ça progresse. Bientôt je pourrai vous suivre en enduro ;) pour info: le parcours trans était plus roulant, j'étais moins avantagé mais cela t'aurais plu ;) profite bien de la suite. Gaffe a toi, reviens nous entier. Bises. Walt.
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