La scène se déroule il y a presque 15 jours, au nord du Bénin, dans le massif de l'Atakora ! D'ailleurs, au Bénin, y'a qu'un massif, c'est celui là, et il culmine à 658m ! Autant vous dire qu'on n'y risque pas l’œdème pulmonaire ! :-)
Le Bénin, c'est vert ! Certes, nous sommes rentrés dans la saison des pluies, mais les paysages sahéliques du Mali me paraissent bien loin. Des herbes hautes, vertes bien entendu, des palmiers en tous genres, bien touffus et de grands arbres type nérés, kapotiers et fromagers, tous aussi verts et touffus ! Pour circuler donc, une belle piste ocre en latérite qui monte, qui descend, se frayant un modeste et étroit passage dans cette dense végétation .
Il est 17h30 et il est donc l'heure pour moi de trouver refuge pour la nuit. Un groupe d'adultes, que des hommes, zone sur le bord de la route ; certains assis sur leur moto, d'autres encore la bêche sur l'épaule de retour d'une journée au champ. Mais tous sont déjà bien guillerets, à s'échanger gaiement un bidon d'huile de moteur rempli de "Tchouk", la bière de mil locale ! Ni une, ni deux, alors que je m'arrête à leur hauteur, avant même de débuter les habituelles salutations je me retrouve les mains prises par une calebasse remplie du fameux breuvage. Cette bière sans bulles et qui se boit tiède est douce, à priori peu forte mais qui comme toujours, consommée sans modération (qui a depuis longtemps déserté l'Afrique) finit par faire des ravages... Après quelques gorgées, je demande à l'assemblée s'il est possible de dormir dans le coin, et si possible, chez quelqu'un possédant une Tata Somba (d'où le titre!). Les Tatas Sombas sont des habitations typiques de la région (Tata pour l'habitation, Somba pour la région en question) et qui ressemblent à des petites forteresses, avec un unique mur d'enceinte abritant l'étable, la cuisine et dont le toit-terrasse donne accès aux greniers à maïs et mil et aux chambres construites comme des minis tours chapeautées d'un toit de chaume (Wikipedia). Il est alors possible de faire dormir l'étranger sur une natte déployée sur le toit.
Après concertations, deux jeunes (la vingtaine) me conduisent avec leur moto chez le chef du quartier qui se fera, m'explique-t-on, un plaisir de me loger ! Je suis laissé à l'entrée de la concession (qui possède bien une tata somba) et me vois contraint d'attendre, sous la garde de gamins, l'arrivée du chef de maison qui n'est pas là ! Je me dis que ca va faire bizarre de lui expliquer que je viens dormir chez lui car des personnes que je ne connais pas m'ont conduites ici ! Mais c'est l'Afrique, y'a jamais vraiment de problèmes ! Et c'est d'ailleurs ce qu'il me dit quand il arrive enfin, avant de repartir 3min plus tard. L'échange aura été bref, il parle à peine français, ça promet ! Plusieurs personnes débarquent successivement à l'entrée de la concession dont un trentenaire fin bourré au Tchouk qui entame une reproduction de la cérémonie d'initiation suivie par les jeunes du village il y a quelques jours. Dommage que je ne comprenne pas cette langue locale (on ne parle même pas ici le Fon, la langue nationale, alors le français, langue officielle, j'en parle même pas (CQFD!)), car il fait bien rire toute l'assemblée !
Le chef revient, et il s'installe devant sa concession. A nouveau défile tout un tas de mecs, toujours plus bourrés les uns que les autres, parlant fort, toujours plus fort, alors qu'ils sont à 20cm les uns des autres. Des gens bourrés quoi. Les esprits s'échauffent, je comprends pas trop malgré un jeune qui tente de me faire une brève description de ce qu'il se passe. Pendant ce temps là, ce même jeune sert d'interprète au chef pour essayer de m'expliquer qu'il attend un cadeau en souvenir de mon passage. De l'argent ? A priori non, quelque chose de matériel. Soit, mais comme je suis pas encore parti et que les échanges avec lui sont stériles, l'idée du "souvenir" me dépasse un peu. La soirée avance, il se passe toujours rien, des mecs braillent, c'est un peu le souk. Je rentre mon vélo dans la concession et arrive à trouver un seau d'eau pour faire ma toilette. Puis je me pose à côté de la tata en attendant de voir ce qu'il se passe. La situation est bizarre, d'habitude, il y a un minimum d'échanges entre les villageois et moi, mais là, j'ai été mis sur la touche. Il est presque l'heure de dormir, 21h00, et vu le bordel qu'il y a dehors, j'ai pas trop envie de sortir ma popote et mon réchaud pour faire à manger. Du coup je récupère une natte et me couche à côté de mon vélo. Une heure plus tard, le frère du chef (de ce que j'ai compris) s'assoit à côté de moi, et me tend une calebasse de Tchouk ! Il est rond comme un cul de pelle, et j'ai beau lui expliqué qu'il est un peu tard pour l'apéro, il en démord pas et ne me laisse tranquille que quand j'ai bu quelques gorgées. Je me rendors en essayant avec mes boules kies (que je ne mets quasiment jamais) de faire abstraction des alcooliques qui gueulent dehors ! A minuit, voilà-t-il pas qu'on m'apporte sur la natte le repas ! Malgré l'heure, il est difficile de refuser, ça serait impoli. Au menu, de la pâte de mil (qui à la texture d'un flan) avec une sauce ultra gluante verte et du mouton. Bien entendu, ils mangent de leur côté, même pas avec moi ! Sympa la compagnie ! Je prends quelques bouchées, mais au Bénin, ils ont l'habitude de manger épicé ! Quand je me recouche, j'ai la bouche en feu, les lèvres qui piquent et me demande bien qu'est ce que je fous ici !
Ils ont beau se coucher à 2h du mat, à 6h ils sont debout ! Je me lève un peu dans le cirage et là, un féticheur arrive, me souhaite la bonne arrivée et me broie la main ! Dur le réveil. Bien bâti (comme beaucoup d'africains), il se fout torse poil et entame une cérémonie. Il balance sur les fétiches à l'entrée de la tata somba de la bière de Tchouk, qu'il doit déjà avoir en quantité dans le sang car il balance même la calebasse sur le fétiche. Beau geste ! Il rentre dans la tata, en ressort avec un poulet qui j'espère était déjà mort, et arrache ses plumes pour les coller contre les fétiches. Je dois avoir l'air halluciné car la famille se marre bien en me voyant. Je range mon matelas, puis sort mon appareil photo. Je me dis, tant qu'à avoir vécu l'hospitalité la plus merdique du voyage, autant garder quelques souvenirs. Mais, quand je demande si je peux prendre la tata en photo, chacun y va du sien pour donner son avis, et je sens que ca recommence à être le souk. Je range l'appareil, sors un billet pour le donner au chef du village, et part s'en me retourner ! Une maison de fou... ici,vraiment les tatas sont barges !
Comme quoi, tout ne se passe pas de manière idyllique ! Mais c'est bien la première fois que ça part en sucette comme ça ! J'ai quand même fait d'autres rencontres depuis au Bénin bien plus enrichissantes et agréables.
Je vous écris de Lomé (Togo) où je retrouve mon père ce soir pour une virée de 3 semaines au Togo, à vélo ! C'est son baptême du voyage à vélo, il stresse un peu ! :D
J'espère que vous allez bien, prenez soin de vous, la Bise, Oliv
Tu t'en est bien sorti ;) bon trip avec papa. Ici c'est retour de 7 jours de vdm avec Jean-Seb, Bastien et Eric. Plus 3 potes. Ubaye-Devoluy-Queyras. La bise. Walt.
RépondreSupprimerSalut Olive,
RépondreSupprimerDéjà six mois, pffiouu c'est lon g, mais court à la fois, avec la multitude situations et de personnages que tu rencontres (tu m'as bien fait rire avec les Tatas)
J'étais déjà envieux de ton trip dès le départ, mais en ce moment vu la situation autour du globe, un bon trip "energico-dépaysant" ça doit être un bon remède....
Bonne continuation, sois sympa avec papa, ne pédale pas trop fort.
Et je ne te le dirais jamais assez : sois prudent...
Grosses Bises
Phil Zuc