Car il est plus facile d'essuyer la vaisselle qu'une tempête ! (Zeugma?!!)
Proverbe franco-malien inventé par votre serviteur à cette occasion ! :D
Alors depuis mon départ de Bamako je pourrais vous parler en vrac :
- de ma visite de Djenné, plus belle ville du Mali, toute construite de banco (argile + paille de riz) et inscrite au patrimoine mondiale de l'Unesco...
- de ma balade de 3 jours dans les monts Mandingues avec Siriman, un guide-chasseur 'et cette fois pas que buveur de jus de rônier) qui m'a, en plus de me faire découvrir le coin, initié à la géomancie (interprétation divinatoire de signes réalisés sur le sol en référence aux astres) et à la cueillette de feuilles et écorces d'arbres pour la confection de grigri...
- des ateliers de bogolan (peinture sur tissus) de Ségou ou ceux de poteries à Kakourou...
- des nombreux km parcourus quasi exclusivement sur les pistes et sentes du bord du Niger, alternant rive gauche ou rive droite, avec des paysages à couper le souffle...
- de mon baptême malien en Fakourou Keita, nom qu'il me faut maintenant défendre lors des nouvelles rencontres lorsque, par cousinage (chambrage national), on m'explique que Keita c'est le nom des bergers et qu'il faut que je retourne à mon troupeau, alors que c'est aussi le nom du fondateur de l'empire du Mali...
- de Mopti, la Venise du Mali, qui n'a plus de Venise que les pirogues échouées sur le sable des marigots, car pour cause de saison sèche bein il n'y a plus d'eau, et pour cause de conflit au nord, il n'y a plus de touriste...
- de la commémoration de funérailles d'un chasseur à laquelle, par chance, j'ai pu assister, en étant là, au bon moment, au bon endroit !...
- l'une des plus belles messes de ma vie, dans la cathédrale de Ségou, où s'étaient réunies toutes les femmes du diocèse : c'est pas un concert mais pas loin !!! 2h de messe sans bailler, une première !
- etc, etc...
Mais non, je vais vous parler de ce moment où, de manière certainement exagérée, je suis passé en mode survie ! Et pour le reste, il y aura des photos prochainement !
Entre Bamako et Ségou, j'ai choisi non pas de prendre la route, mais comme à mon habitude, de sortir des sentiers battus (par qui, y'a pas de touriste au Mali?!!) pour prendre des pistes qui longeaient à partir de Koulikoro (pour ceux qui ont une carte sous la main!) la rive gauche du Niger. Finis les cases rondes en pailles et toits de chaume, elles font maintenant place à des maisons en dur, construites en banco, cet argile mélangé à de la paille de riz qui constitue les briques mais aussi l'enduit. L'évolution dans l'architecture des villages est édifiante au fur et à mesure que l'on roule vers l'Est. Le fleuve Niger d'une couleur occre est magnifique. Il s'écoule doucement depuis la Guinée, vers le Niger (cqfd!) sur son lit d'une largeur (à cette époque de l'année, en fin de saison sèche) de 500m maximum. Les berges pas encore recouvertes d'eau laissent entrevoir des plages de sable bordées de cocotiers ! C'est Saint Tropez... sans les touristes !
Un soir donc, alors que les pistes m'avaient éloigné du fleuve, je décidais d'aller dormir non loin des berges. Premier défi, retrouver le fleuve ! Alors comme ça, vous me direz, c'est facile, tu lèves la tête, tu regardes le soleil, crack, Nord Sud Est Ouest, tu connais ton orientation, tu regardes ta pseudo carte au 1/10^9 de ton guide (car t'as pas de carte routière avec toi!), tu sais que de toute façon le fleuve, il bifurque dans tous les sens, et hop, t'es toujours pas rendu ! Surtout qu'il est déjà 18h00, que le soleil a disparu derrière un écran de brume à l'horizon, et que t'es déjà un peu paumé, au milieu de nulle part car t'as suivi au petit bonheur la chance des traces de pneus de vélo ou moto sur le sol qui t'ont emmené tu ne sais trop où !
La base, je suis pas loin d'être perdu, mais je reste confiant, avance (ou fait demi tour) au feeling, et alors que l'heure avance (il est 18h45 puis 19h et il fait maintenant nuit) hop, mon instinct ne m'a pas trompé, me voilà arrivé, au détour d'un buisson, à côté d'un village bozo (des pêcheurs) ! Et qui dit pêcheur, dit fleuve ! Malin le gamin ! :-)
Donc, je vais me mettre à proximité du fleuve, sur la plage, en appuyant mon vélo sur des gros fagots de bois (d'environ 2m de long, pour 1m20 de haut et de large). Quelques pêcheurs s'attèlent à poser leurs filets pour la nuit. Comme il est déjà tard je décide de me préparer à manger (pâtes, sauce tomate, c'est de la grande cuisine!). J'ai sorti mon réchaud, ma popote, et alors que l'eau chauffe, je me tourne vers l'Est... (non pas vers la Mecque pour la prière, je ne suis pas encore converti) pour découvrir... un mur gigantesque de poussière qui fond sur mon emplacement de bivouac.
C'est comme si des nuages de plusieurs centaines de mètres de haut glissaient sur le sol en faisant tout disparaitre derrière eux ! C'est la première fois que je vois une tornade (? rhooo le bleu) de ce genre, de celles que l'on ne voit qu'à la télé, soufflant les vastes plaines nord américaines. Sans avoir trop eu le temps de me décider à quoi faire me voilà donc pris dans la tempête. Premier réflexe, me coucher sur mes affaires pour ne pas qu'elles s'envolent. Les pêcheurs rentrent en courant chez eux, l'un d'eux qui a pris son embarcation quelques instants auparavant disparait dans le nuage de poussière. La visibilité est quasi nulle, il fait plus noir que dans la nuit ! Comme je peux pas rester indéfiniment couché sur mon repas à attendre qu'Inch'Allah la tempête veuille bien se calmer, je décide d'agir ! En gros, je reprends mes esprits après la surprise ! Enfin me direz vous ! :D Je mets mes affaires contre l'un des 3 fagots, qui plaquées par le vent ne risquent pas de s'envoler. Je m’aperçois que mon duvet n'est plus sur les sacoches du vélo... c'est tout bon, la nuit s'annonce sportive ! Je le retrouve heureusement 20m plus loin. Il a roulé sur le sable mais n'a pas atteint l'eau : coup de chance ! Comme il faut me mettre à l'abri je vais me cacher / recroquevillé / couché derrière le fagot où j'ai adossé mon vélo. Comme il y a environ 1 éclair toutes les 2 secondes (et bizarrement, on n'entend pas le tonnerre gronder) je me dis que rester à côté de mon vélo c'est peut-être pas ce qui se fait de plus intelligent en matière de sécurité. Je file donc, giflé par le sable soulevé par le vent derrière le 3ème fagot ! J'ai plus qu'à attendre que ca passe, admirant sous une pluie légère mais qui mouille tout de même, les illuminations du ciel par les éclairs...
Je dirais pas alors qu'après la pluie le beau temps, mais du moins la tempête finit par s'éloigner et je peux sortir de ma cachette derrière mon fagot ! :-) Je récupère mes affaires pour manger (les pâtes croqueront sous la dent ce soir là) et commence à réfléchir à mon installation pour la nuit.
D'un ciel sans étoile, l'homme averti se méfie.
Et là vous vous dites que le garçon, ça se voit, il a été initié par des chasseurs maliens ! Quelle lecture du terrain ou du ciel devrais-je dire ! :p
Donc, je décide de planter la tente en me disant, on sait jamais, "tu pourrais dormir à la belle étoile et finir arrosé sous une pluie de saison". Je me couche. Il fait chaud, comme tous les soirs, et je transpire comme un poney kurde sur mon tapis de sol.
23h00, je suis réveillé par la toile de tente qui se couche sur moi... bizarre ! En trois fois rien de temps, le phénomène s’amplifie. Certes je mettais aperçu dans le Sahara Occidental (ou Grand Walou pour ceux qui suivent) que la tente Hubba Hubba avait une grosse prise au vent, mais là c'est du costaud ! J'ai la chance d'être allongé du côté du vent donc la tente n'a pas pu se retourner sur moi mais je dois en prenant le maximum d'appui sur le sol empêchait la tente de se soulever. J'avoue ne pas être dans une situation super confortable... En plus il fait noir, le vent fait claquer la toile, et il y a à nouveau des éclairs en pagaille qui illuminent le ciel (ok, du coup, il fait moins noir!). Petit à petit, le sable projeté par le vent sur la tente m'ensevelit ! Comme il pleut, le sable est lourd et reste accroché à la toile. Je tiens de toutes mes forces; d'une main, la toile de tente et l'arceau central en espérant que la toile ne s'arrache pas ni que l'arceau casse. Je stresse de voir un arceau se rompre et finir par me transpercer le buste ! Ca serait un peu comme fin de voyage :D De l'autre main je cherche à taton ma frontale... La tente est totalement couchée par le vent et le sable, il faut que je sorte de là. Premier réflexe, récupérer mon opinel pour éventrer la tente si jamais ca partait en sucette totale et qu'il fallait que je m'extirpe en urgence de la tente. Ensuite prendre avec moi mes affaires vitales (passeport, argent, appareil photo : j'ai déjà sur moi, comme tout bon scout, ma bite et mon couteau!). Je dégage avec difficulté ma jambe qui était coincé par le sable accumulé sur la toile et sors proprement (c'est à dire en utilisant les fermetures éclair des toiles intérieure et extérieure de la tente) en m'assurant qu'avec tout le sable accumulé sur la tente elle ne pourra définitivement pas s'envoler. Je prends alors ma gifle de sable projeté par le vent et cours me réfugier en caleçon et tee shirt (celui de mon pot de thèse ;-) ) trouver refuge derrière l'un des fagots.
Oui cette fois, je peux dire, que j'étais pas à l'aise, pas serein, voir même que j'ai eu un peu peur, car ma première envie une fois le calme retrouvé, ça a été de pisser ! C'est un signe ! :-) Ensuite je me suis attelé, en plusieurs fois car le sable me fouettait trop violemment le visage, à démonter les arceaux pour ne pas qu'ils cassent, puis à récupérer des sacoches du vélo (qui lui n'a pas bronché) mon pantalon, ma polaire et ma veste en gore tex, le trio que je n'avais pas mis depuis le Maroc ! Une fois la tempête passée j'ai récupéré tout mon barda enseveli sous le sable et me suis construit, entre deux fagots et avec les branches des dits fagots un abri. La toile de tente imperméable m'a permis de ne pas être trop mouillé le restant de la nuit, bien que l'eau de la pluie se soit amusé à s'infiltrer par les fermetures éclairs ! Abri de fortune pour nuit écourtée :D
Je n'ai plus eu qu'à tout faire sécher le matin, au soleil (oh miracle tous les nuages avaient disparus) et à prendre un bain dans le Niger ! Dans mon malheur (tout relatif car je n'ai rien cassé, rien perdu) j'ai eu la chance que le Niger ne soit pas en cru, car là, c'eut été le pompon ! :D Dans les expériences en Afrique, "Essuyer une tempête de fin de saison sèche" : c'est fait ! J'avais plus qu'à me mettre à la vaisselle !
Autre anecdote : A propos du seul Alexandrin de ce récit (que le poète en vous aura remarqué), une des nuits qui a suivi, alors que le ciel était étoilé, j'ai posé ma tente dans la brousse. A 21h30, à l'horizon j'ai commencé à apercevoir des éclairs. J'ai suivi l'évolution d'un oeil inquiet, et à 22h30, une fois tout mon matos rangé à la hâte j'ai couru pour rejoindre le village à proximité, demander l'hospitalité dans une bergerie, juste à temps avant que l'orage ne s'abatte sur moi ! Comme quoi cet alexandrin, c'est du pipeau ! :p
Voili voilou pour cet épisode. Je suis actuellement à Mopti, pars demain à Bandiagara pour débuter un pseudo trek de quelques jours en pays dogon avant de rejoindre le Burkina d'ici une dizaine de jours... !
Prenez soin de vous, la bise !
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