vendredi 20 juin 2014

Un double anniversaire au Burkina, ou comment fêter ca avec une pintade !

Merci à tous ceux et celles qui m'ont souhaité mon anniversaire, via le blog, gmail, facebook ou les bons vieux sms ! Ca m'a vraiment fait plaisir de voir que vous pensiez à moi, même si nous sommes séparés de tant de kilomètres ! Mais promis, un jour, on se reverra ! :D

Alors beaucoup d'entre vous se sont demandés ce que j'avais bien pu trouver pour fêter "dignement" cette occasion ! En voici le récit qui, pour cette nouvelle année de vie, se déroule dans un nouveau pays, celui des hommes intègres - ouf, Ptit Robert m'a dit que je pouvais m'y intégrer ;-) et celui des femmes à vélo, j'ai nommé le "Burkina Faso" !

L'une des choses qui m'a le plus marqué (vous allez rire !) lors de mes pérégrinations au Mali, c'est ce délicieux goût de pintade cuite au feu de bois après une pseudo loose-session de chasse avec Amadou, le mémorable et traditionnel chasseur - buveur de jus de rônier malien ! (cf. l'Article en question) Chacun ses "sensations fortes" ! ;-)

Je lis déjà de la déception dans les yeux de certains, car finalement, la pintade citée en objet du post, n'est autre qu'une vulgaire (mais respectable!) volaille ! Bein oui, vous pensiez à quoi ?!!! :p

Donc, pour marquer le coup, je m'étais dit, ce soir, la pintade elle y passe ! Donc après avoir validé mes 90km journaliers et vu tout un tas de pintades gambader dans les champs de mil fraîchement verdis par les récentes pluies (j'en avais l'eau à la bouche, mais me direz vous, par forte chaleur, c'est pas plus mal !), j'ai décidé de m'arrêter incognito dans un petit village en bord de route, Bagdaworo. La technique pour demander l'hospitalité, est la suivante. Arriver en tirant la langue et encore un peu transpirant, poser son vélo contre un poteau en bois et saluer les vieux sages qui se reposent à l'ombre d'un tamarinier ! Les salutations de rigueur c'est serrer la main et demander à chacun comment va le triptyque famille-santé-travail puis resserrer la main pour clore les salutations. Comme partout dans le monde, on parlera d'abord de la météo "ah oui, il fait chaud" puis viendront les questions :

- Tu viens d'où ? >> Ouahigouya (90km plus au nord, donc) !
- A vélo ? >> (non non en char à voile !) Oui :-)
Du coup là c'est souvent le grand étonnement ! Je leur explique donc que je viens du Maroc, mais pour eux, venir du Maroc (8000km) ou de Ouahigouya (90km) c'est pareil !
- Et tu vas où ? >> A Ouaga (La capitale du Burkina, 90km plus au sud!)
- Avec le vélo ? >> (non non, toujours en char à voile !) Oui !
- Mais c'est loin, c'est pas possible !
...
Et là, crack, je "m'impose" : "Mais vous savez, Ouaga, c'est loin, je pourrai pas y être ce soir, je suis déjà bien fatigué, et du coup, je voulais savoir s'il était possible de dormir par ici. J'ai une natte (comprendre tapis de sol) que j'aimerai étendre pour la nuit près de l'une de vos concessions. Est-ce que vous pensez que c'est possible ?" S'en suit un conciliabule en Moré (langue locale que je ne comprends évidemment pas) et après avoir vu moult personnes du village défiler sous le tamarinier et serrer la main du vice chef de village, on répond favorablement à ma demande ! C'est la "bonne arrivée" !

Nouveau conciliabule pour savoir à qui incombe la tâche de m'héberger chez lui et hop, le bonhomme choisi à l'insu de son plein gré :-) prend mon vélo et le pousse fièrement jusqu'à chez lui. Pour cette nuit, on m'attribue une case en banco sans porte, à l'extérieur de la concession, mais d'un commun accord, on décide que je dormirai dehors parce qu'il fait trop chaud à l'intérieur !

J'explique alors à mon hôte, Inoudsa, qu'aujourd'hui c'est un jour un poil spécial pour moi, puisque c'est mon anniv ! Je lui demande alors s'il y a des pintades dans le village... et bein non ! Ca c'est bien ma veine, j'en ai vu toute la journée, et j'ai choisi le seul endroit où ils n'élèvent que des poulets ! Looser ! :-)

Mais, me dit-il, y'a pas de soucis on va trouver. Je lui donne donc 10 000 FCFA qu'il donnera à son frère - père Boukari (j'ai pas vraiment compris quel était leur lien de parenté) en le chargeant d'aller nous trouver 3 pintades pour le repas du soir ! Boukari prend alors son scooter et s'en va cueillir de la pintade dans les villages voisins ! Pendant ce temps nous discutons avec Inoudsa de tout et de rien, de la vis qu'il porte à la cuisse droite pour consolider sa fracture du fémur faite lors d'un accident de moto (il n'avait pas de casque, il n'est vraiment pas passé loin d'une mort tragique), de son passé en côte d'ivoire où il vivait avant de venir ici s'occuper de sa vieille mère malade, etc... Puis comme tous les soirs, vient le moment de la douche. On me passe un sceau d'eau et je vais me laver "caché" (c'est un bien grand mot, tout le monde te voit et tu vois tout le monde te voir!) derrière trois murs en banco ! C'est le bon moment de la journée, celui où tu ressors tout frais tout propre, prêt à festoyer toute la nuit ! :D

Il fait déjà nuit quand Boukari revient avec 2 pintades et un poulet ! Youpi ! :D Là je suis grave content, et me délecte d'avance de ces pintades qui vont cuire au feu de bois ! Boukari me prend alors à part en me disant : "tu sais, ici, on est musulman, mais des fois, bon,... voilà, on boit un peu quand il y a la fête !..." C'est ce qu'on appelle communément un musulman de gauche ! Le chrétien de gauche serait celui qui pratique la polygamie ! "...alors comme il reste un peu d'argent sur les 10 000 F donnés initialement, on pourrait peut-être acheter à boire, si tu veux !" Comme je comprends que ca lui ferait vraiment plaisir et que j'ai pas envie de lui refuser ca, je m'installe derrière lui sur le scooter et nous partons vers le prochain village. Là, il me fait entrer dans un vieux kiosque tout délabré d'où sortait une sale odeur de vinasse et devant lequel étaient déjà échoués quelques plus ou moins jeunes burkinabés à l'haleine de cowboy en perdition ! :D Comble du dégoût, c'est une adolescente qui nous a servi à l'intérieur... :( Ici, on trouve donc des sachets plastiques sous vide, contenant de l'alcool à 40-45° mélangé à de la réglisse, des arômes de café (c'est pas mauvais) ou de l'alcool local, fait à partir de mil (?) qui doit avoisiner les 80° ! Rien qu'en sentant le breuvage on a le nez aseptisé ! Nous achetons donc quelques "potions" en sachet plastique et faisons remplir une bouteille de 300ml de cet alcool de la mort qui tue que boira Boukari et un ami à lui ! Retour au village pour retrouver Inoudsa et Dramar, le cuistot !

Il prend la première pintade et sans même une prière l'égorge sur le sol. Vient mon tour (d'égorger, pas d'être égorger ! bein oui, quoi !). Dramar tient la seconde pintade par les pattes et les ailes, je me saisis du couteau, attrape la tête du volatile, et flac, la trachée est sectionnée ! (Petite pensée pour Tom et son EVG!) Tout s'est fait dans le silence le plus total. On fait alors passé la tête sous l'une des ailes et on se tient debout sur la pintade, un pied sur ses pattes, l'autre sur ses ailes, en attendant que ses spasmes se terminent. Le coq, lui bien bruyant de protestation, est égorgé sans sommation par un gamin. Les 3 enfants de la concession s'occupent alors de déplumer les oiseaux en les trempant dans un sceau d'eau chaude. Ils maitrisent parfaitement ce qu'ils font, habitués à rotir tous les oiseaux et pigeons qu'ils arrivent à chasser de leurs lance-pierres dans les champs !

Puis, alors que les femmes à l'intérieur de la concession sont occupées à préparer les condiments, riz et spaghettis que j'ai fait acheté pour compléter le repas, Dramar s'occupe de dépecer une pintade, celle qui sera braisée ! L'autre restante et le coq seront eux préparés en sauce. Il doit bien falloir 3/4h pour préparer la pintade badigeonnée d'huile et de bouillon cube Maggie (car avec Maggie, chaque femme est une étoile !). Il est très interressant de voir la conception de l'oeuf de pintade une fois la volaille ouverte, avec les ovules (?) qui se transforment en petits jaunes d'oeuf, qui grossissent jusqu'à avoir la taille et la consistance d'un oeuf à proximité du cul d'la pintade ! Ce qui, chose assez intéressante, permet de déguster un oeuf de pintade cuit au feu de bois, à même la pintade ! Une première pour moi ! :D

Boukari, me voyant en train de bailler de fatigue, me propose alors d'entamer l'apéro, qu'il boira en cachette de son côté, mais que moi je boirai avec l'assemblée qui s'est formée autour du feu et qui comprend l'Imam du village ! Et oui, contrairement à moi, il est obligé de se cacher pour boire alors que tout le monde sait qu'il est parti boire ! Ca en fait rire beaucoup ! :D Une table basse nappée est alors dressée et l'on m'apporte sur une grande assiette la pintade braisée ! Je partage les cuisses entre Dramar le cuistot et l'Imam, les ailes entre Inoudsa mon hôte et Boukari le musulman de gauche ! :D Je tente de proposer les blancs au reste des personnes présentes mais ils refusent en m'expliquant que cette pintade est pour moi, qu'ils auront leur part ensuite. Effectivement, peu de temps après le bruit des marmites et chaudrons manipulés par les femmes dans l'arrière de la cour s'arrête et des plats de riz, spaghettis et sauce de pintade / poulet sont déposés sur la natte devant la table. Finalement on mangera (un peu bizarrement, mais c'est la tradition) séparé, moi assis devant ma table les dents dans la carcasse de la pintade et eux sur la natte, les mains dans le plat. C'est le gros festin : la cuisson de la pintade est parfaite, je me régale. Ils discutent joyeusement et rient beaucoup :-) Les femmes et enfants mangent de leur côté dans la cour de la concession. Finalement, avec 20€, on aura été une quinzaine à se régaler de viande et féculents ce soir ! Objectif atteint ! :-)

Vers 23h00 tout le monde part se coucher, les enfants ayant préalablement fini d'inspecter la carcasse que j'avais mangé, finissant de mordre quelques os et récupérer ce qui était encore mangeable ! Inoudsa ne se sentant pas à l'aise de me faire dormir en dehors de la concession alors qu'ils fermaient la porte, j'ai fini par dormir à ses côtés, toujours dehors, mais dans la concession puis avec lui dans sa chambre lorsque l'orage s'est manifesté vers les coups de 2h du mat !

Le lendemain, à Ouagadougou, j'ai pu fêter à nouveau mon anniversaire avec Laure (une charmante collègue de Ben en mission à Ouaga pour l'Office International de L'eau) et tous ses colocs. Au menu cette fois ci, galettes froments et crêpes sucrées accompagnées de bière ! Le top ! Quelle meilleure entrée en matière que celle ci au Burkina ?!!! :D

Voili voilou, bientôt le Bénin, puis le Togo, le 20 Juillet ! Prenez soin de vous, la bise, Oliv







1 commentaire:

  1. Terrible cette histoire de festin d'anniversaire pour tout un village !!

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